Principales revendications en vue de la réforme attendue de l’aide sociale de 2024

Le FCPASQ rappelle dans ce texte des revendications prioritaires en vue de la « réforme majeure » du système d’aide et d’assistance sociale qui est promise dans les prochains mois. La majorité des personnes assistées sociales reçoivent des prestations largement insuffisantes, et nous menons une lutte de longue date pour que toutes et tous puissent s’assurer la couverture de leurs besoins de base. Nous tenons aussi à dénoncer d’autres injustices du système.

Le nouveau Programme de revenu de base couvre beaucoup plus adéquatement les besoins de base et répond à plusieurs de nos autres revendications. Malheureusement, l’accès à ce programme est restreint à une minorité des personnes assistées sociales. Nous voulons une réforme de l’aide sociale qui élargirait l’accès au Programme de revenu de base, voir du moins qui l’utilise comme modèle pour transformer les autres programmes.

Il est urgent d’agir et il est inacceptable que le régime d’assistance sociale ne respecte pas les droits fondamentaux des personnes exclues du marché de travail.

1. Pour un filet social qui permet de se loger, de se nourrir et de couvrir ses autres besoins de base

Notre système d’assistance sociale devrait être un filet de secours pour nous éviter par exemple de « sombrer » dans l’itinérance ou simplement pour prévenir la dégradation de notre état de santé. Il faut augmenter les montants des prestations pour qu’on puisse se relever lors d’un moment difficile, plutôt que de s’enfoncer dans une précarité grandissante. La loi devrait identifier les besoins de base et offrir des prestations en conséquence. C’est un minimum pour respecter les droits et assurer la dignité de toutes et tous.

2. Pour le droit à l’amour et à l’entraide

La définition vétuste du statut de vie maritale à l’aide sociale repose sur des critères qui instaurent un climat de méfiance entre la personne assistée sociale et son entourage. En effet, les critères d’entraide et de commune renommée pour établir s’il y a vie maritale ouvrent la porte à des pratiques de surveillance et de dénonciation. En plus, lorsque deux personnes assistées sociales sont considérées en couple aux yeux de la loi, un seul chèque amputé d’environ 25 % sera envoyé pour le couple (à l’exception des prestataires du Programme revenu de base, qui reçoivent un chèque individualisé, mais avec une coupure similaire). L’assistance sociale est également inaccessible si l’une des deux personne a de maigres revenus de travail. Plusieurs couples sont poussés à éviter d’habiter ensemble. Ces mécanismes punitifs menacent l’autonomie financière et découragent l’entraide, même la colocation. En plus, les règles qui découragent la cohabitation exacerbent la crise du logement. Il est temps de moderniser la notion de vie maritale à l’aide sociale.

3. Pour le droit de travailler selon ses capacités

Une personne prestataire de l’aide sociale ou de la solidarité sociale est actuellement limitée à des revenus de travail de 200 $ par mois (ou 300 $ par couple). Pour chaque dollar supplémentaire en revenus de travail, « le chèque » d’assistance sociale du mois prochain est coupé d’un dollar ! Pour les personnes à l’aide sociale, les limites de 200 $ à 300 $ n’ont pas été revues depuis 1999. Au lieu d’encourager le retour graduel au travail, selon l’état de santé et les capacités de la personne, la grande majorité des personnes assistées sociales n’ont pas le droit de travailler plus de 3 h par semaine ! Même parmi les personnes en situation de handicap ou ayant d’autres importantes contraintes à l’emploi reconnues par le gouvernement. Seules les personnes admises au Programme de revenu de base peuvent travailler 18 h par semaine au salaire minimum avant de se faire couper une partie de leurs prestations.

4. Pour un système non punitif et moins restrictif

Le système actuel est très restrictif et même la ministre a reconnu que l’approche est « punitif ». Pour les personnes à l’étape de la demande d’admission, certaines de ces restrictions empêchent l’accès ou causent des délais déraisonnables avant d’y avoir accès, ce qui peut mener à la perte du logement ou de la voiture avant même d’avoir reçu le premier « chèque ». Pour les personnes déjà admises à l’assistance sociale, cette panoplie de règles et de restrictions cause de nombreux problèmes, entre autres dus à des mesures de contrôle démesurées et à de lourdes pénalités. Par exemple, les personnes qui s’occupent d’un parent ayant des problèmes de santé et qui partagent le logement avec ce dernier se font généralement couper 50 $ à 100 $ par mois ! Pour prendre un autre exemple, il est interdit de recevoir un don d’une proche de plus de 100 $ par mois ! Au lieu d’augmenter les chances qu’une personne s’en sorte, le système actuel leur ferme des portes.

5. Pour une réforme majeure des dettes à l’aide sociale

Si le gouvernement considère qu’une disposition n’a pas été respectée, la personne a le fardeau de prouver qu’il n’a pas contrevenu à la règle en question et peut se retrouver avec une dette de plusieurs milliers de dollars du jour au lendemain. Ces dettes sont souvent si importantes que le montant prélevé sur la prestation pour rembourser la dette ne couvre souvent même pas les intérêts ! Les personnes se voient donc attribuer une dette à perpétuité par l’État et une prestation mensuelle souvent réduite de 224 $ par mois. Il faut savoir que 80 % des « fausses déclarations » menant à des coupures « sont dues à des erreurs de bonne foi, c’est-à-dire que la personne s’est trompée sans le savoir en rédigeant sa demande, » selon des données gouvernementales obtenues par Le Devoir en 2014. Une importante réforme du système des dettes s’impose.

6. Pour l’abolition de l’obligation de diminuer les prestations de Retraite Québec

Actuellement, les personnes assistées sociales ont l’obligation, sous peine de sanction, de demander leur rente de retraite anticipée de la Régie des rentes du Québec (Retraite Québec), dès l’âge de 60 ans. Pour les personnes qui n’ont pas d’invalidité reconnue par la Régie, le montant mensuel de la rente est ainsi réduit d’environ le tiers. Cette restriction oblige plusieurs personnes âgées à vivre dans une pauvreté plus aiguë. En plus, les rentes de Retraite Québec reçues entre 60 et 65 ans sont coupées dollar pour dollar de la prestation d’assistance sociale ! Cette obligation de demander la retraite anticipée ne s’applique pas aux autres citoyen-ne-s du Québec et doit être abolie, tout comme sa coupure des prestations d’assistance sociale.

7. Pour mettre fin à l’exclusion ou la coupure de plusieurs jeunes en difficulté

En ce moment, de nombreux jeunes doivent exiger de leurs parents une contribution mensuelle avant d’avoir accès à l’aide sociale, allant jusqu’à l’obligation de poursuivre leurs parents en justice. L’admissibilité à l’aide sociale est ainsi souvent refusée à des jeunes en difficulté. Dans d’autres cas, le montant du chèque est réduit d’un montant substantiel de « contribution parentale » calculé par le gouvernement… même si ce montant n’est jamais versé par les parents ! Pour de nombreux jeunes, ce régime mène à une grande précarité. L’aide sociale est un droit et nous devons nous assurer que les jeunes y ont accès afin de leur permettre de sortir de la pauvreté au lieu de s’enfoncer dans la précarité et la marginalité.

8. Pour l’abolition de la mesure limitant les séjours hors Québec à 7 jours

Depuis 2015, une personne assistée sociale ne peut voyager hors du Québec plus de 7 jours consécutifs (si ces jours sont dans le même mois de calendrier) sans perdre son chèque d’aide sociale. Cela cause de graves injustices pour les personnes ayant de la famille à l’étranger (en particulier les personnes issues de l’immigration) ou simplement ailleurs au Canada. Même lorsqu’un-e proche est malade ou en fin de vie, le gouvernement exige souvent qu’on demande la permission et refuse souvent de telles demandes.

9. Pour mettre fin à la menace de pénalités d’Objectif emploi

Les personnes assistées sociales doivent pouvoir choisir librement leur participation à des programmes d’employabilité. De tels programmes sont populaires, mais une personne doit pouvoir déterminer quand elle est prête à y participer. La menace de potentielles coupures de prestations du programme Objectif emploi est injuste et contre-productive.

Est-ce qu’on veut un système qui mène à
l’itinérance ou qui permet de s’en sortir ?

Notre système d’assistance sociale date d’une autre époque et n’a pas été revu en profondeur depuis presque de 20 ans. Pendant ce temps, le pourcentage de la population à l’aide sociale ou au chômage a largement diminué. Si la majorité des personnes qui « tombent » à l’aide sociale arrivent à réintégrer le marché de l’emploi, le système impose des conditions qui sont un affront à la dignité humaine et qui empêchent plusieurs de retrouver une stabilité.

Nous avons les moyens comme société de nous doter d’un système non punitif qui permet de lutter efficacement contre la pauvreté et l’exclusion. L’assistance sociale est une partie essentielle de notre filet social, une assurance publique essentielle. Nous pouvons et devons assurer les droits fondamentaux de ceux et celles qui, pour différentes raisons, se trouvent exclu-e-s du marché de l’emploi.

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