Isabelle Porterà Québec
Publié et mis à jour le 2 octobre
La ministre Chantal Rouleau se défend de manquer d’humanité en abolissant le versement de 100 millions de dollars en cinq ans en allocations d’aide sociale. Au contraire, dit-elle, « on va améliorer le sort des gens ».
Comment ? La ministre table sur le fait que les personnes qui ne recevront plus l’allocation mensuelle de 161 $ pour contraintes temporaires à l’emploi vont éventuellement revenir sur le marché du travail. « On a regardé ce qui était le mieux à faire pour les gens, pour mieux les accompagner, qu’ils puissent être intégrés à l’emploi. Parce que c’est par l’emploi qu’ils vont améliorer leur sort. »
Le ministère de Mme Rouleau a décidé d’abolir l’allocation pour contraintes temporaires à l’emploi donnée actuellement aux personnes de plus de 57 ans et aux parents d’enfants d’âge préscolaire. Cette compression devrait générer des économies de 99,7 millions de dollars, tout juste suffisantes pour financer les nouvelles mesures prévues dans le projet de loi 71 sur l’aide sociale, dont le coût est estimé à 97,06 millions, a révélé Le Devoir mercredi.
La décision d’abolir l’allocation pour contraintes temporaires à l’emploi n’est pas liée aux mesures de lutte contre le déficit ou à une quelconque directive du ministère des Finances, soutient la ministre Rouleau. « Non, c’est une modernisation d’une loi qui n’a pas été [revue] depuis 20 ans. »
« On déshabille Pierre pour habiller Paul »
Or, les trois partis d’opposition jugent que le régime d’aide sociale a plutôt besoin de nouveaux fonds.
« On ne lutte pas contre la pauvreté à coût nul », a fait valoir d’entrée de jeu la députée de Sherbrooke, la solidaire Christine Labrie. L’élue doute en outre des capacités des personnes touchées à retourner sur le marché du travail. « Je ne suis même pas convaincue qu’il y a des économies à faire avec ça, dit-elle. La plupart d’entre eux vont probablement avoir quand même la reconnaissance d’une contrainte de santé, sauf que ça va leur prendre plus de paperasse, puis plus de délais, pour la faire reconnaître. »
Son collègue péquiste de Jean-Talon, Pascal Paradis, s’insurge quant à lui sur le fait qu’on abolisse des aides dans un projet de loi censé « humaniser » les services — le terme ayant même été utilisé par la ministre Rouleau lors de la présentation de sa réforme. « On va leur couper cette prestation-là pour être capable de financer l’autre prestation […] en faisant un beau plan de communication, en disant : “Nous voulons une gestion plus humaine, nous voulons miser sur l’être humain…” »
Aux yeux des libéraux, « on déshabille Pierre pour habiller Paul ». « Le projet de loi qui devait être une réforme de l’aide sociale s’avère n’être qu’un simple transfert d’allocations d’une clientèle à une autre », a fait valoir la députée de Notre-Dame-de-Grâce, Désirée McGraw.
L’étude du projet de loi 71 doit débuter mardi prochain par la tenue d’une consultation de trois jours à l’Assemblée nationale. Une vingtaine de groupes et individus sont attendus, dont le Front commun des personnes assistées sociales du Québec, le Réseau solidarité itinérance du Québec et l’ancien ministre et professeur François Blais, qui a piloté le dossier de l’aide sociale à l’époque du gouvernement de Philippe Couillard.