En réponse à la série d’articles sur les 100 ans d’assistance publique, publiée dans le quotidien La presse, le Front commun des personnes assistées sociales du Québec (FCPASQ) souhaite présenter une autre perspective. L’article présente les propos des personnes qui réfléchissent et construisent les réformes. Malheureusement, l’absence de perspectives de personnes assistées sociales qui les subissent ne permet pas de dresser un portrait réel de l’évolution de cette politique sociale. Voici donc quatre idées à déconstruire à propos de l’aide sociale :
- La coercition envers les personnes assistées sociales était pire avant
Il est vrai qu’au départ, l’assistance sociale a été pensée comme un droit quasi universel. Pourtant, cette politique sociale n’a jamais mené à ce qu’elle prétendait viser. Dès les années 70, des mesures coercitives ont été mises en place et se sont accentuées au fil des réformes. Nous rencontrons des prestataires qui doivent rembourser de l’argent au ministère parce qu’ils-elles ont quitté le Québec pendant plus de 7 jours consécutifs pour prendre soin d’un parent malade en Ontario. D’autres qui se font demander de justifier, preuve à l’appui, un dépôt de 20$ déposé à leur compte 3 ans plus tôt. Ce ne sont là que quelques exemples. Donc, la sombre période des enquêteurs spéciaux (boubou macoutes) est peut-être derrière nous, mais la coercition à l’aide sociale n’est pas moins présente.
- Moins de personnes à l’aide sociale = une bonne nouvelle !
Le ministre Boulet mentionne qu’il ne « prévoit pas d’augmentation dans le nombre de prestataires à la suite de la pandémie ». Pourtant, les statistiques démontrent que les mesures temporaires instaurées par le gouvernement fédéral telle la PCRE retardent leur arrivée à l’aide sociale. Pour les mois de mai à juillet 2019, il y a eu 19 533 entrées à l’aide sociale et 24 562 sorties alors que pour la même période en 2020, il n’y a eu que 6174 entrées et 23 042 sorties. Aussi, peu de gens le savent, mais pour pouvoir bénéficier de l’assistance sociale, plusieurs restrictions s’appliquent. Par exemple, au moment de faire la demande, les personnes ne peuvent posséder plus de 887$ en tout et pour tout.
Donc si « un demi-million » de prestataires sont sortis de l’aide sociale depuis 1996, ce n’est pas seulement en raison du dynamisme du marché du travail. Cette diminution est aussi synonyme d’une accessibilité au programme qui s’est restreinte au fil des ans. La pauvreté change de visage (emploi précaire, chômage, augmentation des coûts des loyers, etc.) et le nombre de prestataires à l’assistance sociale ne concorde pas avec une diminution de la pauvreté. Pouvons-nous viser à avoir un bon programme d’assistance sociale réellement aidant pour les personnes au lieu de viser un retour en emploi le plus rapidement possible ? Ce n’est pas normal que des personnes choisissent d’occuper un emploi pour un salaire risible, au détriment de leur santé puisque l’analyse coût/bénéfice est plus avantageuse que l’aide de dernier recours au bout du compte.
- Le mandat de la solidarité sociale est pris au sérieux par les ministres
Le ministre se targue de ne pas apparaître comme un « éternel quémandeur » auprès de son gouvernement et cela en dit long sur le peu de dossiers qu’il a mené de front en lien avec son mandat de solidarité sociale. Depuis le début de la crise liée à la COVID-19, aucune aide financière d’urgence n’a été versée aux personnes assistées sociales malgré des besoins criants. Les seules mesurettes adoptées par son gouvernement ont à peine permis un assouplissement administratif et un gel des recouvrements. De plus, lorsqu’il est questionné sur l’après-PCRE, le ministre compte naïvement sur l’ensemble des chômeur-euse-s pour se retrouver un emploi; aucun plan n’est prévu pour accueillir des nouveaux-elles prestataires lorsque les mesures du Canada viendront à échéance. Bref, lorsqu’il est question de parler de travail et d’emploi, le ministre répond présent. Mais s’il est question de solidarité sociale, c’est la valse des « on verra ».
- Les prestations sont suffisantes pour vivre décemment
Les prestations, toutes catégories confondues, ne sont pas réalistes pour répondre aux besoins essentiels des personnes assistées sociales. Une indexation de 1,26 % en 2021 alors que le coût de la vie continue d’augmenter et que des années durant il n’y a pas eu d’indexation ce n’est pas suffisant. Un rattrapage est plus que nécessaire, mais malheureusement tous les gouvernements qui se succèdent préfèrent fermer les yeux sur cette aberration.
En donnant 2000$ par mois par personne, les gouvernements fédéral et provincial forment pourtant un consensus : c’est un minimum requis pour vivre, que ce soit pour pallier une perte d’emploi, suivre un programme d’étude ou réintégrer le marché du travail! Nous déplorons que le ministère ait la pensée magique qu’une personne ayant un revenu de 708$ par mois est fraîche et dispose à se chercher un emploi ou retourner aux études. Il est temps d’avoir une réflexion collective sur nos politiques sociales si nous voulons un jour bâtir un filet social adéquat et solidaire.
Front Commun des Personnes Assistées Sociales du Québec