3 juin 2019. En 2013 c’était Cathy, en 2015 Steven, puis Éric en 2017. Et ce ne sont pas les seuls. Aujourd’hui, c’est de Mélanie Dumais dont on parle. Cette femme à qui on menace de couper son aide de dernier recours parce qu’elle vit avec son amoureux. Les choix de Mélanie sont restreints, soit elle quitte le logement de son conjoint pour demeurer chez sa mère à une heure de route soit elle se résigne à vivre dans un centre d’hébergement pour femmes en difficulté.
Cette histoire n’est malheureusement pas nouvelle. Le cas déplorable de Madame Dumais s’ajoute à ceux de tous et toutes les prestataires impacté-es par l’application répressive de la notion de vie maritale à l’aide sociale. Ce sont ces mesures, qui punissent des personnes en situation d’extrême précarité, que dénoncent les groupes de défense collective des droits des personnes assistées sociales au Front commun des personnes assistées sociales du Québec (FCPASQ). Les personnes qui ne vivent qu’avec déjà très peu de moyens sont pénalisées si elles veulent vivre avec un-e conjoint-e, se marier ou tout simplement cohabiter avec une autre personne.
La notion de vie maritale à l’aide sociale décourage l’amour et l’entraide et encourage l’isolement des prestataires. Rappelons que dans la logique de la Loi d’aide aux personnes et aux familles, le revenu calculé pour donner un chèque d’aide sociale se fait en considérant l’ensemble du ménage. De ce fait, deux personnes qui reçoivent des chèques de 669$ par mois chacun, en habitent séparément, ne recevront que 1022$ au total pour subvenir à l’ensemble de leurs besoins si elles répondent aux critères de la vie maritale. “On s’entend que 669$ ce n’est déjà pas suffisant pour survivre dans une ville comme Québec où le loyer moyen est de 720$ pour un 3 ½ donc, pour 511$ chacun il va falloir tourner les coins ronds. Ça représente une coupure de 158$ soit 24% de leur revenu! ” affirme Simon Pouliot de l’Association pour la défense des droits sociaux du Québec métro.
Accepteriez-vous de perdre 24% de vos revenus ?
C’est pourtant le choix que doivent faire les gens qui reçoivent l’aide sociale; perdre 24% de leur revenu ou être en amour ?
Et encore là, c’est de supposer que ces personnes ont toujours le choix. Très souvent, deux personnes cohabitant dans la même résidence sans toutefois être dans une relation conjugale se font accuser de vivre en situation de vie maritale, et voient automatiquement leurs chèques se faire amputer. Ces mêmes personnes devront ensuite faire la preuve qu’ils ne vivent ensemble que pour essayer d’y arriver financièrement. Il est tout à fait inconcevable de maintenir des personnes dans une telle situation de vulnérabilité. Selon Victoria Gay-Cauvin, coordonnatrice du Front Commun des personnes assistées sociales du Québec, « cette vulnérabilité peut prendre de multiples formes. Elle est d’abord et avant tout économique mais également d’ordre social et psychologique. D’un côté la loi encourage la dépendance entre les membres d’un couple ou d’une cohabitation ayant subi une coupure forçant ainsi certaines personnes à rester dans une relation abusive. Et d’un autre côté, elle décourage l’amitié et l’amour et mène à l’isolement des personnes assistées sociales. »
Que le député Harold Lebel soit choqué est donc assez normal selon les membres du FCPASQ. Avec un peu de chance son indignation parviendra à convaincre le ministre Boulet de faire des changements humains à la loi d’aide aux personnes et aux familles. D’ailleurs, si le ministre veut effectivement réfléchir sur cette loi, le FCPASQ se penche sur celle-ci depuis plusieurs dizaines d’années, il aurait quelques pistes à lui suggérer.
Le Front commun des personnes assistées sociales du Québec est outré que le 3e plan de lutte à la pauvreté néglige des centaines de milliers de personnes et creuse les inégalités entre les personnes ayant une contrainte sévère reconnue et les autres personnes à l’aide sociale.
Si les quelques bonnes nouvelles se situent au niveau des personnes avec une contrainte sévère reconnue, le ministre Blais fait le choix de laisser les autres personnes à l’aide sociale avec un revenu extrêmement bas et de conserver la menace de coupure prévue dans le programme Objectif emploi. « Dans son approche le ministre Blais considère que les personnes à l’aide sociale n’ayant pas de contrainte sévère reconnue ne méritent pas d’amélioration de leurs conditions. C’est scandaleux! Se faisant on agrandit la disparité de traitement et les personnes sans contrainte reconnue verront leurs droits encore plus bafoués », s’indigne Yann Tremblay-Marcotte du Front commun des personnes assistées sociales du Québec (FCPASQ).
En effet, sous la menace d’Objectif emploi, les personnes pourraient se retrouver avec 404 $ par mois. Pour Denyse Thériault, bénévole engagée vivant la pauvreté, cette approche est un recul de plus de 30 ans : « Quand j’étais sur l’aide sociale, les mesures forcées ont nui à ma santé et me causaient un grand stress de sorte que maintenant je ne peux plus travailler. À ce moment, si j’avais eu plus d’argent, j’aurais aussi pu garantir de meilleures conditions à mes enfants plutôt que d’avoir à faire des choix difficiles. Je ne souhaite cette situation à personne ».
Le 3e plan de lutte est un échec juge le FCPASQ, car il laisse des centaines de milliers de personnes sans ressources supplémentaires pour vivre décemment. D’autres mesures peu coûteuses auraient pu être mises en place comme conserver des pensions alimentaires pour les enfants, garantir le plein chèque pour les personnes vivant en couple et augmenter significativement les gains de travail permis.
Le FCPASQ analysera le plan de lutte et émettra d’autres commentaires tout au long de la semaine. Nos porte-paroles sont disponibles pour des entrevues.